Débloquer des succès, tel est le nouveau sport issu de l'actuelle génération d'œuvres vidéoludiques. Ces trophées virtuels ont été aperçus pour la première fois sur une machine d'origine américaine dont il se peut que vous ayez déjà entendu parler. La Xbox 360, d'après ce que mes sources dans l'industrie me disent. Au début, le concept était contrôlé, maîtrisé. Mais de nos jours, l'invasion est presque complète. Que ce soit sur PC ou consoles, l'on en a trop fait
High-Score
Imaginez une époque où les gens s'affrontaient face-à-face - ou côte-à-côte - dans la pénombre des salles enfumées sur des oeuvres que l'on réserverait actuellement aux systèmes de récupération de petite monnaie en ligne. Bienvenue dans l'univers des arcades. Un lieu étrange et puissant où les dieux électriques étaient honorés par leurs puissants disciples durant des joutes mesurables définissant le niveau de puissance des cultes locaux. A l'époque le high-score était définitif, mémorable et légendaire.Il signifiait quelque chose. (Généralement que quelqu'un venait de passer quelques mois à s'entraîner de manière intensive pour une future tendinite et qu'avant même de succomber à la douleur de celle-ci ; il avait par hasard triomphé.) Des légendes entières étaient construites sur les duels disputés dans ces arènes futuristes des eighties. Des sagas écrites en chiffres stiffés sur le monolithique bord des machines prévenaient les bleus de la barrière d'entrée avant de pouvoir prétendre à une forme de perfection.
Et tel Spartacus, un seul héros s'extirpait du peuple pour lui montrer la voie. Souvent, il ressemblait à ça:
2010: l'Année du Premier Contact.
Intérieur jour. Une chambre familière. Un homme devant son écran meurt depuis dix minutes après avoir tué deux ennemis d'un seul coup de grenade . Quelques petits pas. Gros boum.
Petite mort. Rincer et répéter.
Quel type de comportement obsessionnel -compulsif décris-je dans cette fable de l'esprit ? Celui du gars qui débloque avec méthode des centimètres supplémentaires pour son membre virtuel. Depuis que ces genres de détails pullulent dans nos jeux, des combats télématiques à distance unissent des poches de joueurs en fratries sanguinaires. Tout le monde connait celui qui sort victorieux de ce genre de cercle masturbatoire. C'est le fameux gars « qui n'a rien d'autre à fo*tre ». Et peut donc se permettre de débloquer tous les Achievements d'Avatar The Last Airbender pour finalement dépasser D@rk_N@rUtOkekeke, son ennemi juré. Les high-scores sont maintenant pondérés, aplanis à la massue pour rentrer dans des cases standardisées. Vidés de leur sens ils demeurent dans un coin de l'esprit peu visité, comme un souvenir d'une époque épique maintes fois révolue.
"Ouais, je viens de refaire inFAMOUS, histoire d'avoir tout."
Ce genre de démarches peut tuer tout engouement que l'on peut avoir pour les jeux-vidéos. Et à un sens plus large, pour Le Jeu Vidéo. Quand l'on a fait de son hobby un travail, l'on finit par aller au bureau pour se détendre. Je suis assez vieux que pour savoir deux choses cruciales : je jouerai sans-doute toute ma vie d'une manière ou d'une autre ; ce temps sera pris au détriment d'autres choses. Ajoutez à cela l'inévitable mortalité de l'être humain et vous comprendrez que je vous enjoins de ne pas gâcher de précieuses minutes de vos vies à prouver votre virtuosité à grands coups de paluches.
J'admettrai cependant que certains créateurs ont à l'occasion eu une excellente idée en créant l'une de ces attractions d'aujourd'hui. Comme dans Uncharted 2, où un Nathan à peine remis d'une bastos dans le bide doit aller caresser des Yaks. J'admettrai aussi avoir parié un gros paquet de pognon qu'un jour « quelqu'un ferait un jeu où il est trop possible de caresser des Yaks, yo. » Les deux sont peut-être liés.
(Ci-dessus: Yak, sans Daxter.)